La Bourse de Londres a été apparemment victime cette semaine d'un sabotage mystérieux qui va la forcer à retarder l'adoption d'une technologie révolutionnaire, une affaire qui sème la consternation dans la City en pleine guerre aux parts de marchés entre places boursières.
Tout remonte à mardi matin, à 08H23 heure locale, lorsqu'une panne interrompt soudainement les échanges sur la Bourse paneuropéenne Turquoise, filiale de la Bourse de Londres (London Stock Exchange, LSE). Il faudra deux bonnes heures aux informaticiens du groupe pour rétablir entièrement les échanges.
En apparence, rien de suspect, si ne c'est la durée relativement longue de cet incident. Ce genre de pannes, sans être courant, affecte de temps à autre la plupart des places boursières, malgré tous leurs efforts pour garantir un service à toute épreuve aux investisseurs. Turquoise en avait connu d'autres ces derniers mois.
Mais en fin de journée, la vénérable Bourse britannique, créée il y a plus de trois siècles, a révélé qu'il s'agissait d'autre chose qu'une panne fortuite. Elle a imputé la panne à "une erreur humaine", intervenue "dans des circonstances suspectes".
Sabotage délibéré d'un employé indélicat, ou d'un sous-traitant, voire éventuelle manoeuvre d'un concurrent aux méthodes déloyales? Le LSE a refusé d'en dire plus, se contentant d'indiquer qu'il avait ouvert une enquête interne et demandé l'aide des autorités pour l'aider à faire la lumière.
Et comme si une telle révélation n'était pas suffisante, la Bourse de Londres a décidé dans la foulée de reporter à l'an prochain un changement de technologie, censé raccourcir substantiellement les échanges sur sa plate-forme phare, le Main Market.
Ce "marché principal", sur lequel sont cotées entre autres les entreprises membres du Footsie-100, l'indice vedette de la place, devait en effet adopter ce mois-ci un nouveau système informatique, baptisé Millenium Exchange.
Ce système révolutionnaire a été conçu par la "start-up" sri-lankaise MilleniumIT. Acquis l'an dernier par le LSE, il permet d'effectuer les transactions de manière ultra-rapide.
Or, Turquoise avait servi de banc d'essai pour l'adoption ce système par le LSE. Etant donnée la panne mystérieuse qui a frappé la filiale, le groupe a préféré remettre à plus tard la "migration", comme disent les techniciens, de son marché principal.
Un retard pour le moins embarrassant. Turquoise s'était vantée le mois dernier, dans un communiqué triomphaliste, que cette nouvelle technologie en faisait la plate-forme boursière "la plus rapide du monde", avec un temps de traitement moyen des ordres ramené à 126 millionièmes de seconde.
Les places boursières européennes se livrent en effet à une véritable guerre des "microsecondes" pour réduire les temps de traitement des transactions.
Depuis leur mise en concurrence en 2007 et l'arrivée d'opérateurs alternatifs, elles cherchent à retenir et attirer les investisseurs en promettant d'exécuter leurs ordres toujours plus rapidement, leur donnant ainsi un avantage sur les autres intervenants.
Dans la City, cette affaire a semé la consternation. "L'univers torve du sabotage industriel a-t-il infiltré les Bourses mondiales?", s'inquiétait jeudi le Financial Times, ajoutant que l'idée d'un tel sabotage laissait de nombreux investisseurs incrédules.
En tout cas, en attendant que les causes de la panne soient éclaircies, cet incident illustre une nouvelle fois la fragilité des Bourses, sur lesquelles reposent des échanges quotidiens de plusieurs centaines de milliards de dollars.
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